16- KARROU Wawim
Né le 7 août 1984 à Kara, électronicien de profession, KARROU Wawim se fait guide de GOMA Abdoul-Aziz lorsque de l’Irlande où il s’est naturalisé, il revient au Togo pour ses affaires commerciales, l’accompagnant toujours et partout où il va. C’est ainsi qu’il était encore avec lui, à Lomé, ce 19 décembre 2018 où il reçoit l’appel téléphonique d’un ami résidant à Accra lui demandant d’aider un groupe de 8 jeunes qui, venus d’Accra (Ghana), sont en difficulté à Lomé où l’hôte les ayant invités est finalement injoignable.
Deux jours plus tard, le 21 décembre 2018, aux environs de 19H, il était encore avec lui lorsqu’avec son chauffeur, Kévin, et une fille au nom de Rebecca, ils se sont retrouvés dans un bar pour prendre une collation avant d’aller dîner au restaurant Camillo situé sur le boulevard dit du13 janvier.
Après le dîner, ils ont repris le chemin de retour à leur domicile lorsque, arrivés devant la Pharmacie de Gbossimé, située sur le boulevard de la Kara où ils devaient prendre congé de Rebecca, un groupe d’hommes armés les encerclent subitement, avec une inimaginable brutalité et extrême violence. Sans leur demander quoi que ce soit, ils les passent à tabac, les menottent et les embarquent dans leur voiture tout en s’accaparant de celle de GOMA Abdoul-Aziz. Durant tout le trajet, ils leur font subir des traitements cruels, inhumains et dégradants jusqu’à ce qu’ils arrivent à la Direction du Service central de renseignement et de l’investigation criminelle (SCRIC) à Agoè-Cacaveli, leur destination finale.
Ce jour-là, ils vivent l’enfer. Menottés dans le dos, bien serrés jusqu’à l’os, les uns contre des arbres, les autres contre des voitures, ils sont proprement passés à tabac et torturés jusqu’à ce que le sang coule de leurs corps. Certains d’entre eux vomissaient même du sang sous ce traitement. Ces tortures d’enfer que leur infligent ces éléments, dont ils entendront dire plus tard qu’ils seraient de l’USIG (Unité Spéciale d’Intervention de la Gendarmerie), ont duré jusqu’à 3H du matin, sans qu’on ne leur pose quelque question que ce soit.
Vers 7H du matin, on les démenotte d’autour des arbres et des voitures et on les jette par terre, dans la poussière, où on les menotte à nouveau, jusqu’à midi sous un soleil ardent avant de les ramener sous les arbres. Jusque-là, personne ne leur a dit quoi que ce soit sur ce qu’on leur reproche. Ce n’est qu’après les avoir bien torturés qu’on les soumet à un interrogatoire lors duquel ils apprennent qu’on les accuse d’avoir fait venir des jeunes du Ghana pour un projet de déstabilisation du Togo.
Et ces tortures, traitements cruels, inhumains et dégradants se poursuivent deux semaines durant au bout desquels la fille Rebecca et le chauffeur Kevin sont finalement libérés, sans explication.
Les autres membres du groupe dont KARROU Wawim sont gardés au SCRIC jusqu’au 9 janvier 2019 où ils sont embarqués, tard dans la nuit, tout nus, pour la Direction de la Gendarmerie nationale, en face de la Banque Togolaise du Commerce et de l’Industrie (BTCI) sur le Boulevard du 13 janvier.
A leur arrivée à destination, cette nuit-là, on les fait assoir l’un à côté de l’autre, dos au mur, toujours menottés, et 3 agents de l’USIG, 4 de la Gendarmerie, sur les ordres de leur commandant, pointent leurs armes sur chacun d’entre eux dans un simulacre d’exécution sommaire qui les terrorise outrageusement.
Puis, on les jette dans un cachot dans un sale état où ils n’arrivent pas à faire la différence entre le jour et la nuit; entre les heures et le temps, sans recevoir de visite, et on les garde ainsi pendant 27 jours sans leur permettre de se brosser les dents, ni de se doucher et de s’alimenter décemment.
Le 15 janvier 2019, ils sont conduits devant le juge d’instruction qui leur apprend qu’ils sont tous complices d’Abdoul–Aziz GOMA, lequel est caractérisé comme un agent qui finance le Parti National Panafricain (PNP), auquel il a porté assistance à hauteur de 50.000 Francs CFA en prenant en charge des personnes qu’il a fait venir d’Accra et qui ne savaient où dormir.
Après les avoir brièvement écouté sans tenir compte des actes de tortures, traitements cruels, inhumains et dégradants dont les suppliciés déclarent avoir été l’objet, le juge d’instruction les défère à la Prison civile de Lomé en attendant, disait-il, des investigations qui n’ont pas eu de suite jusqu’à ce jour.
Et c’est ce jour-là que les suppliciés apprennent que les autorités du SCRIC les avaient enregistré comme détenus à la Prison civile de Lomé depuis le 31 décembre 2018 alors qu’ils avaient passé 27 jours entre leurs mains avant d’être présentés au juge d’instruction ce 15 janvier 2019 soit 15 bons jours après, ce qui permet de juger de la crédibilité des agents du SCRIC…
Lors de la 67e Session du Comité contre la torture tenue de l’ONU tenue à Genève en juillet-août 2019, le cas de KARROU Wawim, GOMA Abdoul-Aziz et codétenus a été discuté et cette institution a recommandé au gouvernement togolais :
- la libération des 16 personnes arbitrairement arrêtées entre les 19 et 21 décembre 2018 dans l’affaire GOMA Abdoul-Aziz ;
- la poursuivre des auteurs d’arrestations arbitraires et actes de tortures commis à leur encontre ;
- l’indemnisation des 16 personnes arbitrairement arrêtées dans cette affaire GOMA Abdoul-Aziz ;
- la fermeture de la Prison civile de Lomé qui ne répond pas aux normes et conditions de détention internationalement reconnues par l’ONU.
Toutes ces recommandations sont restées lettre morte jusqu’à ce jour.
Parce qu’il a été arbitrairement arrêté le 21 décembre 2018 et a subi des traitements cruels, inhumains et dégradants tout au long de sa détention comme les 15 autres prisonniers politiques de l’Affaire GOMA Abdoul-Aziz, KARROU Wawim doit être libéré immédiatement et sans condition comme le prescrivent le Code pénal togolais et les instruments internationaux ratifiés par l’Etat togolais.