78- MOUKAILA Waliou
Né vers 1983 à Agbandaoudê (Préfecture de Tchaoudjo), maçon-carreleur, marié et père d’un enfant, MOUKAILA Waliou a été
arbitrairement arrêté dans l’Affaire « Tigre Révolution » au quartier Agoè-Allainka à Lomé, le 26 janvier 2020.
Depuis que le 19 août 2017 le mouvement sociopolitique revendiquant le retour à la Constitution originelle de 1992 a été lancé et
réprimé de façon sanglante, MOUKAILA Waliou est toujours présent avec son ami, feu TAÏROU Bourhanou (Mourane), chaque fois
qu’une marche pacifique est appelée à Sokodé, parce qu’ils estiment tous deux nécessaire et juste d’aller réclamer leurs droits.
C’est ainsi qu’en janvier 2020, lorsqu’ils entendent à nouveau parler d’une importante marche pacifique qu’on avait lancée à
Lomé et à laquelle ils sont sollicités à venir participer, ils quittent ensemble leur village pour entreprendre le voyage les conduisant à
la capitale togolaise. Ils se sont d’autant plus facilement décidés à répondre à cette sollicitation que, jeunes villageois curieux d’aller
faire la découverte de cette grande ville dont ils n’ont cessé d’entendre parler, c’est la première fois qu’ils ont l’occasion d’aller faire
la connaissance de Lomé.
Arrivés dans la capitale, ils sont hébergés au quartier Agoè-Allainka et se reposent dans la maison où ils ont été accueillis
lorsqu’en plein sommeil, ils entendent des cris et dire à haute voix : « Les mains en l’air, si quelqu’un bouge, on va tirer sur lui ! »
Tous se lèvent donc et voient toute la maison encerclée par des militaires bien armés, visages fermés par des cagoules noires
alors que d’autres, en tenue civile, ont tous aussi des armes à la main et campent bien en position de tir.
C’est alors qu’ils commencent à les frapper dans tous les sens, de gauche à droite, et leur posent cette question étrange : « Où
sont les armes ? », tout en les poussant avec leurs armes, bâtons, chaînes qu’on met au cou des chiens et aussi des cordelettes
avec lesquelles ils les chicotent sur tout le corps.
Sous le choc et la rage de tous les coups qu’il reçoit, MOUKAILA Waliou s’évanouit et on verse de l’eau sur lui pour le réveiller.
Mais, alors qu’il était encore inconscient, on le fouille et, après qu’on ait trouvé un petit coran dans sa poche, c’est en fini pour lui
car il voit son cas s’aggraver parce qu’on prétend tenir ainsi la preuve qu’il est le marabout du groupe.
Entretemps, après que le chef de l’escouade a constaté que les suppliciés sont tous atteints et très affaiblis par la bastonnade, il
a ordonné un « Stop ! », et ses troupes se sont arrêtées de les frapper pour se mettre à les attacher par les mains dans le dos ainsi
que par les pieds. Totalement sonnés, la plupart d’entre eux ne savent même plus où ils se trouvent.
Ils sont alors enlevés et tous jetés dans les camions ayant convoyé sur place les militaires qui balancent par ailleurs sur eux fers,
bancs, bois et autres objets divers qu’ils ramassent tout autour avant de monter s’assoir par-dessus pour les conduire jusqu’au
Camp GIPN d’Agoè-Logopé.
C’est là où ils vont subir d’insupportables tortures qu’on peut difficilement raconter.
C’est également là où MOUKAILA Waliou a perdu son ami, TAÏROU Bourhanou, dans cet endroit où, durant les 9 mois qu’ils y
passent, ils ont tellement été battus comme s’ils n’étaient pas des êtres humains car, vraiment, ce n’est seulement que des tortures
qu’on leur infligeait.
Pour expliquer comment son frère TAÏROU Bourhanou a été torturé jusqu’à en mourir, il faut dire qu’il a d’abord été mis dans un
caniveau fermé sans avoir la possibilité de faire des mouvements et, attaché par les mains et les pieds immobilisés le long du
corps, les agents lui demandent qu’il n’a qu’à leur montrer où se trouvent les armes. Or, des armes, il n’y en avait nulle part et il ne
savait naturellement rien de tout ceci qui n’était que pure invention. Il a donc fait là-bas plus d’une semaine sans avoir de l’eau à
boire, ni à manger comme les autres détenus.
Après ce supplice de plus d’une semaine, le temps qu’on le ramène rejoindre le groupe des autres détenus, il est devenu très
faible, si faible qu’il n’arrivait même plus à marcher et on a appelé l’un d’entre eux pour qu’il le porte sur son dos.
Quand, pendant la nuit, il a commencé à crier : « Je vais mourir ! », tous les détenus se sont mis autour de lui, l’entourant en
faisant des prières jusqu’au lendemain matin pour le sauver.
C’est alors que le Commandant du Camp GIPN a dit qu’il n’a qu’à mourir, que personne ne va l’amener à l’hôpital. Et, c’est ainsi qu’au petit matin, TAÏROU Bourhanou (Mourane) est mort !
Conduit à la Justice début février 2020, MOUKAILA Waliou est présenté au Procureur de la République et au Juge d’instruction
qui, après l’avoir auditionné, décident de l’inculper mais, au lieu de le placer sous mandat de dépôt à la Prison civile de Lomé comme les autres détenus accusés comme lui dans la même affaire « Tigre Révolution », ils le renvoient au Camp GIPN d’Agoè-
Logopé où il continue à subir tortures et mauvais traitements.
Ce n’est finalement qu’au bout de 9 bons mois passés au total sous ce régime de continuelles souffrances au Camp GIPN
d’Agoè-Logopé, qu’il est ramené à la Prison civile de Lomé où il est toujours actuellement détenu.
Parce qu’il a subi des traitements cruels, inhumains et dégradants tout au long de son arrestation et de sa détention comme les
76 autres prisonniers politiques détenus dans l’Affaire « Tigre Révolution », MOUKAILA Waliou doit être libéré immédiatement et
sans condition comme le prescrivent le Code pénal togolais et les instruments internationaux ratifiés par l’Etat togolais.