54- INOUSSA Fousseni
Né le 25 janvier 1992 à Aledjo-Kadara, marié et père d’un enfant, conducteur de tricycle moto-taxi, INOUSSA Fousseni a été arbitrairement arrêté dans l’Affaire « Tigre Révolution » à Lomé, le 10 décembre 2019.
C’est dans les environs du quartier situé au nord de la capitale, dit de l’Entreprise de l’union, où il circule sur la moto-tricycle avec laquelle il se débrouille pour survivre avec son frère AGRIGNA Rachid, que soudain, des éléments en civil circulant à bord d’une voiture se mettent subitement en travers de leur chemin. Les passagers en descendent tous puis braquent sur eux des armes tout en leur demandant si c’est comme ça qu’on conduit, alors qu’ils n’avaient fait aucune faute de conduite.
Ils sont aussitôt arrêtés, enlevés et embarqués dans la voiture qui prend la direction du Camp GIPN d’Agoè-Logopé.
Arrivés au Camp, les agents les font entrer dans un bureau et les frappent copieusement, à coups de gifles, de manches de daba et de cordelettes administrés sur les plantes du pied (plats du pied). Ils ont tellement été tapés que, lorsque les agents en ont provisoirement fini avec eux, ils n’arrivaient même plus à se tenir correctement debout.
Cette douloureuse mise en condition ayant été faite, la question qui lui est d’abord posée, ainsi qu’à son frère, est de savoir si, dans la nuit du 22 au 23 novembre, il était sorti pour manifester contre les soldats et il leur répond « Non ».
On pose ensuite à l’un et à l’autre les questions suivantes :
— « Est-ce que tu connais Tiger ? » et il répond : « Absolument pas. »
— « Et les groupes du PNP ? », là, il répond : « Oui, ça autre j’en fais partie. »
— « Le nom de ton groupe Whatsapp ? », il répond : « PNP Assoli-Sud. »
— « Est-ce que tu connais Alfa Awali ? », il répond : « Non je ne le connais pas. »
— « Est-ce que tu connais l’artiste Prince Fadel? », il répond : « Je l’écoute à travers ses chansons, les groupes Whatsapp PNP et sur YouTube ».
C’est alors qu’après cette réponse, on recommence à le tabasser furieusement, le frappant à coups de pieds, de cordelettes, de bâtons sur les plats du pied et toutes les parties du corps.
La séance de bastonnade provisoirement terminée, il est conduit avec son frère dans une cellule sans aération ni lumière et, ce n’est qu’après 3 jours que son petit frère, AGRIGNA Rachid, en a été extrait pour un autre interrogatoire. A son retour dans leur cellule, il apparaissait si fatigué par les traitements cruels, inhumains et dégradants qu’on lui a fait subir qu’il en était devenu méconnaissable. En réalité, sous les sévères tortures qu’il venait d’endurer, il avait fini par souscrire aux « aveux » qu’on l’avait forcé à accepter.
Après ce triste épisode, ils passent 7 jours dans ce cachot en n’ayant pour tout repas qu’un seul plat par jour, pris à 16H jusqu’au lendemain, même heure : 16H, et c’est avec leurs propres moyens qu’on les oblige à s’acheter à manger en dépensant pas plus de 200 francs par jour.
Par ailleurs, ils ne sont pas autorisés à avoir des nouvelles de leurs familles, pas plus qu’on ne leur permet d’entretenir un minimum d’hygiène corporelle en se brossant les dents, ni à faire leur toilette, les forçant vraiment ainsi à mener une autre vie qu’ils n’ont jamais vécue de toute leur existence.
C’est après tout cela qu’il a été conduit avec son frère au service d’identification judiciaire pour qu’y soient prises leurs empreintes digitales et photos avant de les présenter au Procureur de la République et au Juge d’instruction de la Première instance qui, tous deux, lui ont demandé s’il reconnait les faits qui lui sont reprochés. Bien qu’il leur ait répondu qu’il ne les reconnait absolument pas, ces derniers décident de le placer sous mandat de dépôt à la Prison civile de Lomé pour la poursuite des enquêtes.
Deux mois après, INOUSSA Fousseni tombe si sérieusement malade dans cette prison, avec de terribles douleurs aux articulations et parfois les oreilles qui se bouchent, les testicules qui gonflent que, pris de compassion pour son sort, ses amis, codétenus politiques comme lui, se cotisent sur leurs maigres fonds pour qu’on puisse lui assurer dans l’urgence les premiers soins. Cela, pour lui éviter de subir le triste sort des cinq prisonniers politiques antérieurement décédés des suites des tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants qu’ils avaient subi, comme lui, au Camp GIGN d’Agoè-Logopé.
Il a ainsi pu être maintenu provisoirement en vie avant d’être évacué au Cabanon du CHU-Tokoin où sa femme et sa famille, qui n’arrivaient pas jusque-là à le visiter à la Prison civile de Lomé en raison des mesures officiellement édictées contre la propagation de la pandémie du COVID 19, ont enfin pu le rencontrer, après avoir été appelées à fournir les fonds nécessaires à la prise en charge de ses frais de santé.
Après que son état de santé se soit amélioré, on le reconduit à la Prison civile de Lomé où il est toujours actuellement détenu. C’est en y arrivant à nouveau qu’il apprend que son frère, Rachid AGRIGNA, et d’autres prisonniers politiques ont été transférés à l’ancienne direction de la Gendarmerie Nationale en face de la BIDC et de la BOAD où ils sont détenus depuis lors.
Parce qu’il a subi des traitements cruels, inhumains et dégradants tout au long de son arrestation et de sa détention comme les 77 autres prisonniers politiques détenus dans l’Affaire « Tigre Révolution », INOUSSA Fousseni, qui va bientôt boucler 2 ans en détention sans avoir été jugé ni condamné, doit être libéré immédiatement et sans condition comme le prescrivent le Code pénal togolais et les instruments internationaux ratifiés par l’Etat togolais.